
Pourquoi la parentalité ?
Controverses sur un problème public
Depuis quelques années, nombre d’acteurs publics : femmes et hommes politiques, médias, experts, font un large usage de la notion de parentalité, néologisme dérivé de l’adjectif parental, peut-être pour traduire les termes anglo-saxons de parenthood ou de parenting1, qui désignent respectivement la condition de parent et les pratiques parentales. Cette notion a connu des fortunes diverses, mais demeure relativement indéfinie. Sa souplesse est sans doute aussi un de ses atouts. Parce qu’elle demeure floue, elle permet bien des usages.
C’est ainsi que l’on parle aujourd’hui de « mono-parentalité », de « beau-parentalité », « d’homo-parentalité » (Gross, 2000), de « grand-parentalité » (Attias-Donfut & Segalen, 2001) et donc de pluri-parentalité (Le Gall & Bettahar, 2001), pour indiquer que la place de parents peut être diversement occupée, par un seul parent, par un parent homosexuel ou par
une pluralité de « faisant fonction » de parents. On peut néanmoins se demander à quelles fins a été conçu ce néologisme qui occupe aujourd’hui le devant de la scène2. Qu’apporte-t-il de plus au lexique déjà riche et complexe de la parenté : père, mère, paternité, maternité, maternage, parentèle. De quoi, cette nouvelle expression est-elle le signe, ou le symptôme.
La Parentalité
Dans un petit ouvrage récent, intitulé « De la parenté à la parentalité », Claire Neyrinck avance quelques éléments de réponse à cette première question : « le recours à ce néologisme qui n’a reçu à ce jour aucune définition, ni dans le dictionnaire de langage usuel, ni comme terme juridique, révèle une demande, un besoin » (2001, p. 15), « celui de consacrer une compétence parentale… En effet, la compétence renvoie à une aptitude de fait alors que la parenté renvoie à une place juridique. Est mis en place de parent non pas un ascendant, mais celui qui remplit correctement un rôle de père » (op. cit., p. 26).
En somme, si l’on a eu besoin d’un terme nouveau, c’est pour mieux distinguer les parents (père et mère), autrement dit ceux qui sont d’abord nommés en référence à leur rôle d’engendrement ou de géniteurs (biologie) institué par du droit, de la fonction de parent, qui est susceptible d’être assumée par une pluralité d’acteurs à un moment donné, qu’ils soient ou non les géniteurs. La parentalité n’est donc, pas plus que la parenté, une notion
réservée aux seuls géniteurs8. C’est aussi ce sur quoi insiste Françoise Dekeuwer-Défossez lorsqu’elle différencie parentalité et parenté en évoquant le caractère vécu, quotidiennement partagé de la parentalité : « La famille ménagère, celle qui vit sous un même toit, a des fonctions de parentalité à l’égard des enfants qui y sont élevés, c’est-à-dire qu’elle leur donne les moyens, matériels, éducatifs et affectifs, de devenir des adultes. Cette fonction est accomplie quel que soit le statut juridique de ces enfants. Il ne faut pas confondre avec la parenté, qui inscrit un enfant dans une lignée généalogique. La parentalité peut changer, être dévolue successivement ou même simultanément à plusieurs personnes. La parenté, elle, est beaucoup plus exclusive » (2001, p. 18).
Extraits du Rapport etabli par Claude MARTIN
Directeur de recherche CNRS
Centre de recherche sur l’action politique en Europe, IEP de Rennes
Directeur du LAPSS – Ecole nationale de la santé publique

